Journal d'une Expédition
Exploration des fonds aquatiques de Brocéliande en prototype sous-marin
2 juin 2014 / 16 septembre 2014
Ed & F. - 9 octobre 2014 - « J'espère que la roue tourne va vite tourner » F. R.
Ainsi s'achève l'Aventure Karstique.
Ce qui aurait dû être une exploration raisonnée de l'étang de Trègu nous a mené par une dérive infernale tout près de la mort.
Comme autant de tentacules ennemies, les avaries, la solitude, les doutes, l'épuisement, les découragements, les peurs, la faim et le froid enveloppèrent nos âmes et nos corps malmenés comme jamais auparavant dans nos recherches.
Que déduire malgré tout de ces derniers mois?
Nos recherches du passage menant de la source de Pougues à l'étang de Trégu furent vaines.
En échange, nous avons découvert l'existence d'un réseau immense et méconnu qui pourrait transporter les communications du Laboratoire en utilisant des forces motrices inégalées.
Mais son exploration et sa cartographie se fera sans nous.
Nous avons soufflé sur les braises. À d'autres de fournir les branches pour que brûle le feu de la découverte.
De plus, les finances du laboratoire sont exsangues; nous ne pourrions plus aujourd'hui remonter une expédition d'une telle ampleur.
Le repos et la concertation doivent maintenant nous permettre de reposer les bonnes questions et de nous concerter sur l'avenir du département communication du Laboratoire des Hypothèses.
Ed&F. ne s'arrêteront pas pour autant.
Un travail immense s'ouvre devant nous car nous avons le devoir de témoigner.
Un retour d'expédition, une exposition dans les mois qui viennent retracera cette épopée. Nous vous y dévoilerons les résultats de nos recherches, nos inventions, ainsi que toutes nos découvertes.
Après l'inattendue sortie du prototype au large de Cherbourg, il va de soi de consacrer notre temps au projet îles du Laboratoire des Hypothèses auquel nous prêterons toutes nos compétences et notre expérience.
Mais, il y a plus.
Depuis peu, une petite phrase qu'on balance d'abord comme une blague, une nouvelle idée de recherche s'est insinuée dans nos têtes.
Elle prend chaque jour de l'importance.
Une obsession qui ne vous lâche plus.
L'aventure karstique s'achève et tout recommence.
F. - 28 septembre 2014 - Je viens de là.
Rendons-nous à l'évidence, cette dérive de cinquante jours dans le réseau karstique a marqué nos âmes.
Dix-sept jours après mon sauvetage in extremis, nous demeurons submergés par les doutes.
Nos hésitations nous perdent et nos cafouillages brouillent les pistes.
Néanmoins, en Thésée et Bacchus, nous troussons le fil de l'aventure et, méthodiquement, presque sans le savoir, nous remontons vers la source, là d'où le prototype a surgi.
Peu à peu, les brumes s'estompent. la carte se redessine plus précise chaque jour.
Puis les yeux de Ed brillent à nouveau de cette lueur intense.
Il me dit : "C'est là".
F. - 26 septembre 2014 - Big data
Une semaine à compiler les restes de l'expédition.
Au début sonnés par les émotions, Ed et moi reprenons nos recherches, tentons de dresser cette carte des réseaux cachés qui grouillent sous la surface du Grand Ouest.
Alors que nos pupilles s'acclimatent au soleil écrasant du Cotentin, nous déployons tout l'attirail de techniques d'analyse développées au sein du laboratoire pour tenter de faire la lumière sur les zones d'ombre qui peuplent notre aventure.
Les données semblent contradictoires, floues, chaotiques, contestables, aléatoires et trompeuses, elles nous donnent bon espoir de résoudre les questions qui nous occupent depuis 2012.
Le projet fou de bâtir une maquette du réseau karstique s'installe insidieusement dans mon esprit.
Je ne suis pas sûr qu'Ed ait pris conscience de l'ampleur du projet qui se dessine...
Il faut absolument que je lui en reparle.
F. - 19 septembre 2014
Ce matin tout devient plus clair.
C'est fini, je m'en rends compte.
Ces derniers jours ont coulé en un étrange brouillard, environnés d'un Ed tout en attention et fébrilité.
Mais que les haies de ce parc sont mornes au regard du monde du silence, cet espace sonore, total, peuplé de vibrations qui s'ouvrait à moi et qui, préservant sa puissance, m'était inaccessible.
Mes forces sont revenues. Et le reste avec. Quelques souvenirs chaotiques du voyage bousculent les images que je tente d'en rassembler. J'ai l'implacable sentiment d'une perte, d'avoir laissé là-bas la presque totalité du matériel de recherche.
Les capsules coincées dans les circonvolutions du réseau sont sans doute perdues à jamais, et retenter l'aventure, Ed me le confirme, serait pure folie.
Ne nous restent que les quelques éléments reçus qu'il va falloir analyser et compulser pour dessiner le portrait du réseau, identifier sa bouche, et reconstruire sa géographie, aussi partielle qu'elle puisse être.
Je reste encore un peu ici, visité par ma famille et quelques amis à méditer sur les résidus de cette aventure, mais déjà, même s'il se fait discret, je sens un Ed bouillant de reprendre nos investigations.
Ed - 11 septembre 2014
Ed - 8-10 septembre 2014 - A la rescousse
C'est en regardant la carte que j'ai compris mon erreur.
Que représente cette petite parcelle de continent Cotentin face à la l'infini maritime.
C'est la mer qui prend l'homme, par la Manche.
C'est elle qui a happé le capitaine et le prototype.
Mais, en mer, je n'y arriverai pas seul.
J'engage deux spécialistes :
Romaric Hardy, un capitaine de navire aguerri qui connait la rade comme sa poche.
Arthur James, aventurier et ami du premier, qui filmera la cote si quelque chose nous échappait de visu et qui m'épaulera en cas de coup dur.
Leur fougue et leur détermination me redonnent confiance.
Nous prenons la mer sur le Saint-Ortaire, l'embarcation officielle du Laboratoire des Hypothèses, partie de l'Invincible Armada.
Capitaine, tenez bon, nous arrivons.
Ed - 4-7 septembre 2014 - Radioguidage littoral
C'est infernal.
Le morse me scie le cerveau et mes jambes peinent à porter mon corps douloureux.
De plus, j'ai des hallucinations auditives qui me font entendre le SOS même sans casque.
Mais, plus grave que ça, j'ai l'impression de tourner en rond.
Le signal est toujours là, présent, mais la source m'échappe constamment.
Comme dans ces rêves où tout vous échappe tout le temps.
Ne pas renoncer, ne pas renoncer, ne pas renoncer.
Ed - 2-4 septembre 2014 - Radioguidage en Cotentin
J'arpente la côte inlassablement.
J'ai défini une zone allant de La Hague à Saint-Pierre que j'ai découpée par section.
Quand j'estime qu'une section est terminée, j'en enchaine une autre.
C'est harassant, mais la possibilité de retrouver F. dans la minute qui suit me porte, effaçant la fatigue, la faim et la peur.
Je vis au rythme de ces espoirs qui naissent puis m'abandonnent, comme l'esquif porté par la vague s'élève et se fracasse inexorablement.
Ed - 1er septembre 2014 - Tous les cris, les SOS
J'ai quitté Chaudefess non sans en avoir interrogé tous les participants.
Malheureusement, personne n'a pu m'aider dans ma quête, même si quelques hurluberlus manifestement ivres-morts ont gentiment essayé de m'aider.
En d'autres temps, j'aurais pu apprécier les performances de Femelle/Femelle ou Mr Marcaille, mais le cœur n'y était pas.
Je déménage et vais m'installer dans notre base-bunker de Cherbourg.
Je repars dans la nuit.
Ed - 30 aout 2014 - Rencontre
Le casque rivé aux oreilles, je poursuis le signal de SOS du capitaine.
Je suis arrivé suffisamment près, je dois maintenant affiner ma recherche.
Inutile de continuer en voiture, c'est à pied que je trouverai la source.
J'installe un camp de fortune dans un champ près de Saint-Pierre Eglise, puis je pars explorer les environs avec mon récepteur radio.
Quand je reviens, ma base est entourée de toiles de tente.
Un voisin me confit que ce soir à lieu le festival Chaudefess et qu'il en est un des organisateurs.
Je lui parle de ma mission de sauvegarde, mais il n'a pas entendu parler d'un sous-marin en bois qui aurait surgit d'un aven.
Sympathiquement, il me propose de passer ce soir pour interroger les festivaliers.
Ne pouvant négliger aucune piste, je le remercie et accepte son offre.
Ed - 29 aout 2014 - L'espoir vient des ondes
Plus aucune capsule depuis une semaine.
Alors que, passant de la résignation à la colère, je m'apprête à abandonner le capitaine à son funeste sort, je reçois un coup de téléphone d'un inconnu radio-amateur qui m'explique qu'il a capté une émission radio contenant un message codé en morse.
Avec l'aide d'un ami, ils ont réussi a décoder grossièrement ce message de SOS dans lequel se trouvait mon numéro.
J'installe une antenne longue portée au bord de l'étang et, suivant leurs indications, je règle notre récepteur radio sur une bande très basse-fréquence.
Je capte rapidement un signal assez clair et comprends qu'il s'agit d'une sorte de balise, un message d'environ deux minutes qui passe en boucle.
Je décode le signal très facilement grâce au programme <audio-morse—> texte> qu'a développé notre ami Guillaume Stagnaro.
Hourra! Il s'agit bien d'un SOS du capitaine!
Il a du réussir à réparer le générateur et envoie un SOS en continu sur basse-fréquence, ce qui lui permet d'économiser l'énergie.
C'est extrêmement astucieux et ça sous-entend que F. a du reprendre du poil de la bête.
Par principe, je scrute l'étang, mais comme je m'y attendais, aucune trace du prototype.
Je décide alors de repérer par radiogoniométrie la source de l'émission.
Mon idée est simple : la radiogoniométrie va me donner un cap à suivre et la clarté du signal me renseignera sur la proximité de l'émission.
Première estimation : cap à 11° du nord magnétique.
Mon horizon, chargé des cumulus de la malédiction, se dégage soudainement.
Je vais quitter Trégu pour toujours, gouffre maléfique qui me prît le capitaine, direction plein Nord.
Espérant que 70 ans plus tard, la libération viendra, cette fois, du Sud.
Ed - 23 aout 2014 - La folie
Je suis effondré.
J'ai reçu une lettre et un polaroïd du cap.
Son écriture a changé et plusieurs parties de la lettre étaient illisibles ou carrément incompréhensibles.
Il semble divaguer et on dirait qu'il a perdu tout espoir.
Voici ce que j'ai pu tirer de ce document alarmant:
Eddy. Ce sont mes dernières capsules. 3. 4 au plus.
Le système électrique a lâché, à tâton, j'essaie de lui redonner vie, mais il veut pas. Il parle, et il me dit non.
La nuit, c'est la nuit, et rien d'autre; il me dit. Plus rien.
Mes calculs sont à l'eau qui suinte là, autour, tout autour, c'est le fond de la cellule. Elle monte. 1 centimètre, 2? C'est lent. C'est inexorable.
Froide. Je sais pas où je suis, je sais pas où je suis elle entre, et je vais couler, elle entre, l'air diminue, la flottaison, l'air diminue, j'entends plus rien, je vais couler, il faut que je lâche les contrepoids, mais pas trop tôt.
Je vais me coller au plafond. Le moindre signe, j'attends, je scrute le signal, un son, la sortie, la vibration, un choc, mais rien.
L'eau au fond c'est un filet. rassure toi elle est bonne, je peux la boire. elle est plus salée, un peu ou je me trompe. Tout est dilué. Les notes. Les capsules sont chez toi. T'es en train de déchiffrer les résultats. C'est la seule chose qui compte. Tu trouves. Le bois parle. Il craque et il parle. Il en a assez. Il dit assez. Trop de pression il dit. Il veut du repos. il veut retourner au bois. Je le calme. Il tiendra pas longtemps. C'est la limite des forces. La structure est solide. Le point de rupture. La théorie de Griffith. Je saurai juste avant.
Le dernier flash. Je te vois au travers je te regarde. Le seul flash. pas d'autre. ça aussi ça lâche. Et la nuit encore.
Ed - 16 aout 2014 - Perdu
Voici les derniers relevés de F.
Je vous les transmets par principe car je suis sur que plusieurs capsules se sont perdues.
Par conséquent, je suis désormais incapable de localiser le capitaine.
Au moins ces capsules sont les preuves qu'il va bien et qu'il n'a pas perdu espoir.
Si seulement cette satanée radio pouvait fonctionner!
Ed - 11 aout 2014 - Dessins de la grotte par F.
Ed - 9 aout 2014 - Lettre d'espoir
Aujourd'hui, j'ai récupéré une capsule très spéciale.
Elle contenait outre les relevés habituels, un long texte de F. et des dessins.
Je publierai les relevés et les dessins après analyse dans les prochains jours.
En attendant voici des nouvelles du capitaine tant attendues!
(D'après sa lettre manuscrite) :
Événement remarquable en ce 3 août. Peu après 17h, alors que je flottais entre deux eaux, comme à mon habitude, le courant assez faible dans cette zone me pousse vers ce qui m'apparut d'abord acoustiquement comme une effervescence, une zone de bulles , exactement comme si le prototype avait été jeté à l'embouchure d'une source chaude islandaise, prête à exploser en geyser... Panique à bord.
La coque résisterait-elle à l'expulsion d'une grande quantité de gaz sulfureux?
L'oreille collée à la paroi, je scrute le moindre bouillonnement, conscient de mon impuissance face aux grondements de la terre. Ça dure.
Puis ma tension retombe d'un coup. Quel idiot fais-je! Ces longs jours baignés dans une eau homogène et dense me firent presque oublier ce que fût notre quotidien à Ed. et moi au début de l'aventure lors de nos tests de flottaison. Ce son, ce grouillement, ces échos cristallins contre la coque, c'est du clapotis!
Qui dit clapotis dit surface, cela fait presque une heure que le prototype flotte! Enfin, la poche de gaz tant attendue se présente à moi et j'étais prêt à lâcher de la pression pour fuir la zone en plongeant... La pression ambiante doit être assez faible pour que le prototype flotte ainsi.
Mes peurs d'atmosphère sulfureuse me font hésiter mais je finis par me décider à ouvrir l'écoutille et tenter de renouveler mon air. Quelques tours de clef à cliquet et voilà la plaque supérieure entrouverte. Je sens l'aspiration légère indiquant la dépression environnante. L'air sensiblement vicié de l'habitacle s'échappe avant de laisser lentement place par la fente à une atmosphère sans sulfure, à priori non chargée de dioxyde de carbone, un air aux arômes de vieille cave humide (Serais-je dans une de ces résurgences débouchant dans la cave d'un quelconque château?).
L'air, que je n'espère pas trop chargé de spores de moisissure pénètre doucement à l'intérieur. Le nez collé à cet évent, je guette le malaise. Rien. J'ouvre en grand. La tête hors du passage, tout n'est que goutte à goutte et résonances. J'éclaire les parois.
Au début rien que de l'eau, noire pétrole, puis d'un coup surgit une concrétion blanchâtre, un rocher. À mon grand étonnement, j'avance assez vite à la surface de cette grotte sans murs ni toit. Une vaste bulle de roche, où assez clairement l'eau forme des turbulences sauvages, un effet de succion se rapprochant. Je pompe de l'air par le Snorkel et le comprime dans la bonbonne aussi vite que possible. Fugaces, les roches au ras de l'eau surprennent le faisceau de ma frontale, alors que je m'escrime avec la pompe à main. Je goutte l'eau. Douce et âpre. Chargée de calcaire. La pompe sature, la compression est terminée. Les bouillonnements se rapprochent et résonnent maintenant à la manière d'un percolateur italien à pleine poussée. Je ne peux pas risquer de laisser l'écoutille ouverte. Si je me retrouve pris dans un torrent souterrain, une vague submergera très vite le prototype qui surnage à quelques centimètres de la surface. Un dernier coup d'oeil dehors (si je puis dire) juste le temps d'apercevoir la tête de quelques stalactites manifestement gigantesques, et je verrouille à nouveau la porte dans le ronronnement assourdissant du flux aquatique. Le véhicule est secoué de toute part, un torrent? Non, la pression augmente, je suis aspiré vers le fond. Un siphon géant! Les parois s'écrasent assez vite et vibrent à presque 100 Hz. Je n'ai jamais été aussi vite. J'attends, cramponné au banc. Après une dizaine de minutes, tout reprend sa place, la routine plongeante est de retour. Fin de la résurgence.
Message à destination d'Eddy Godeberge, XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX, merci de lui transmettre.
De Fabrice Gallis, en exploration dans le réseau karstique à bord du prototype sous-marin, parti de Trégu le 18 juillet 2014 - toutes les infos sur http://pneu.laboratoiredeshypotheses.info
Si c'est toi Ed. qui lit ce message, sache que je suis sain et sauf à cette date, et que le voyage continue. Ce prototype est une merveille!
Ed - 3 aout 2014 - Nouvelles contradictoires de l'inconnu
Depuis une semaine, je reçois des capsules de façon irrégulière mais quasi quotidiennement quand même.
Elles contiennent des relevés du capitaine de plus en plus complexes à interpréter.
D'après mes analyses le prototype pourrait se trouver entre 820m et 241km de l'entrée du trou de Trégu.
Pendant un moment, sa direction était franchement sud-ouest avec une progression constante, mais là, ma carte de géo-localisation est constellée de points éparses dont chacun pourrait être la position du prototype.
Il faut bien l'avouer, je ne sais pas où se trouve F. .
Puisqu'il émet toujours au moins est-il en vie.
Il erre comme ses héros dans un monde inconnu dont il trace les contours.
Puisse-t-il ne pas partager leurs plus sombres destins.
Ed - 24 juillet 2014 - Premiers relevés
J'ai récupéré une première capsule prise dans des branches dans la partie nord de l'étang.
F. n'a pas perdu son temps, il me livre là plusieurs relevés très précis.
Si mes approximations sont exactes, il aurait déjà parcouru 57km, c'est énorme!
Les relevés indiquent que le réseau est extrêmement changeant, mais l'avancée à l'air de se faire sans encombre.
Sur que le cap' ne doit pas s'ennuyer là dedans.
Quelque chose m'échappe encore dans le relevé numéro 2, une donnée étrange dans les pressions sur parois, mais je m'échine peut-être en vain sur une erreur de retranscription.
Je dois rester vigilant, si une capsule devait m'échapper, j'aurais surement beaucoup de mal à localiser le prototype.
Ed - 18 - 19 juillet 2014 - On plie les gaules
J'ai démonté le camp pour retourner vers notre arrière-base.
Plus la peine de rester 24h/24h par ici, je viendrai régulièrement à Trégu pour récupérer les messages de F. dans les capsules, s'il y en a..
Bien sur, je tiendrai tout le monde informé à chaque découverte.
Je pense au cap' dans sa boite en regardant l'étang vide et finalement c'est à l'aube que je quitte la berge.
Pas de message pour l'instant ,comme je m'en doutais.
Les premiers jours d'une expédition, on a toujours quelque chose à faire et la communication passe en dernier.
A plus, Eddy.
F. - 18 juillet 2014 - Je pars
C'est inéluctable. Je dois quitter Trégu par le fond.
Ce mois de préparatifs a fait du prototype un véritable véhicule. Je me sens donc en confiance. J'ai suffisamment de vivres pour 2 semaines, et 10 jours d'air comprimé, s'il est utilisé avec parcimonie. Le léger courant m'entrainera vers le réseau au gré des dépressions. J'ai ma réserve de capsules, le passe-coque de Jean des Figues est opérationnel, c'est le départ.
Quitter Ed me panique un peu, je fais bonne figure, impassible et autoritaire, je le toise de l'oeil du capitaine, il me rend un regard profond, un respect total.
Il ferme l'écoutille, je verrouille les derniers boulons et lui dicte ces derniers mots au travers de la paroi.
Adieu, Ed. Quand nous reverrons nous?
Ed - 17 juillet 2014 - L'inconnue karstique
A la veille de ce genre d'expédition, on ne saurait être assez préparé.
Il faut repenser sans cesse aux milliers de détails qui feront le succès de l'opération et parfois, sauveront la vie des hommes.
Puis, à un moment, on sent bien qu'on pourrait continuer indéfiniment cette routine et repousser chaque fois à demain l'imminent départ.
Alain Bombard le savait bien, lui qui laissa Jack Palmer indécis à Tanger et qui affronta seul l'Atlantique dans son frêle Hérétique.
Ce moment là, le capitaine et moi nous l'avons senti arrivé ensemble, sans même l'évoquer.
Nous avons posé ensemble nos outils, nos cartes et nos appareils de mesure.
Puis, nous nous sommes étreints comme des collègues partageant un même rêve, mais aussi comme des amis que nous sommes devenus au fil des aventures.
Maintenant, c'est l'heure du Départ.
Je n'accompagnerai pas le capitaine jusqu'au sous-marin, la vision du prototype s'enfonçant dans l'eau me serait trop pénible à vivre.
Je le regarde s'éloigner sous le ciel magnifique de Trégu, vers les profondeurs noires et silencieuses du réseau, vers cet abysse porteur d'espoirs et de peurs.
Ed - 15 - 16 juillet 2014 - Avant l'odyssée
Nous avons pris une décision grave.
Mais pour nous, inévitable.
Le capitaine doit aller explorer SEUL le passage karstique.
Les vivres à embarquer, les réserves d'oxygène et toutes sortes de contraintes techniques nous obligent à réduire le personnel du navire à un seul membre d'équipage.
Il faut bien qu'il soit capitaine.
De plus, je resterai sur les berges pour tenter de récupérer les capsules que m'enverra F.
Elles contiendront des informations essentielles à la compréhension du réseau et peut-être même vitales, s'il faut que je localise le capitaine pour le récupérer.
Nous nous laissons deux jours pour adapter le véhicule et préparer ces fameuses capsules.
Aucun de nous deux, pourtant prolixes, ne pipe mot.
Autour de l'étang, sous un temps lourd et gris, on n'entend plus que le coassement des grenouilles et le sifflement du vent de Brocéliande.
Celui des contes et des légendes.
Ed - 14 juillet 2014 - Enfin, le trou
Nous reprenons nos explorations en ce jour de fête nationale.
La troisième exploration se fait en tâtonnant car notre système électrique est HS.
Le capitaine tâte le fond en commentant ses sensations, pendant que je retranscris ses informations sous la forme d'un schéma crayonné.
Nous remontons encore une fois vers notre base, afin d'y comparer notre découverte avec notre base de données concernant les avens.
Aucun doute n'est permis :
NOUS VENONS DE TROUVER LE PASSAGE KARSTIQUE ARRIVANT (OU PARTANT?) DE L'ETANG DE TREGU!
Nous nous étreignons, toutes nos spéculations étaient donc vraies.
Le soir, le feu d'artifice que nous contemplons au loin, semble être donné pour nous et pour la réussite de cette mission.
Le capitaine nous autorisent une lampée de rhum et nous discutons jusqu'au petit matin de notre découverte et de l'étendue du travail qu'ils nous restent à accomplir.
13 juillet 2014 - Retour du capitaine - Acte I - scène I
Fanfares. Arrive F. de retour de son séminaire sur l'écoute, dans le sud de la France
F. — ah, mon bon Ed, quel plaisir de te revoir, je suis fourbu, mais le Laboratoire fût dignement représenté. Sans mentir, ce fût un moment d'échange et de création rare.
ED. Souriant sincèrement — ce plaisir est partagé, mais ma déception est grande : je ne reçus aucune de tes émissions audio depuis Clans.
F. Se grattant la barbe — diable! Pourtant j'émis quasiment non-stop pendant trois jours avec un matériel particulièrement rodé.
ED — Par ma vie, je n'ai eu de cesse de parcourir les berges pour capter tes signaux à l'aide du récepteur ad-hoc, mais nib. Je m'en fus même jusqu'à Paris, mais mon désarroi n'y fît que s'accroitre.
F. Las mais déterminé — Et bien ma foi, l'échec est toujours moteur!
Nous nous passerons de cette communication moderne et, quand le moment sera venu, nous utiliserons nos capsules pour converser à distance.
En attendant, remontons dans notre prototype et, des eaux explorons les abysses en vue d'y trouver notre aven.
ED — cool.
Les deux quittent la scène, on entend des glougloutements, puis plus rien d'autre que le vent glacé et les oiseaux qui y chantent
Ed - 11 juillet 2014 - Mirage des ondes
2 jours que je fais le tour de l'étang avec le dispositif de réception audio du capitaine pour tenter de recevoir ses messages émis de Clans.
Les gens du coin qui nous avaient déjà classé dans la catégorie des hurluberlus, nous prennent maintenant pour d'authentiques barjots.
Qu'importe! Notre mission avant tout.
Malheureusement, je ne capte que des bruits blancs ou des messages de radio-amateurs crachotant.
Il me faut une antenne de réception relais plus grande, mais qui reste quand même à proximité d'un plan d'eau de même masse, qui joue certainement le rôle d'élément perturbateur à la réception audio.
L'équation est simple à résoudre :
je dois me rendre au parc des Buttes-Chaumont à Paris, dont le plan d'eau correspond grossièrement à celui de Trégu et qui est nostalgiquement proche de l'antenne émetteur-récepteur de l'ORTF.
Je camoufle le matos et le prototype et je roule sans escale vers Paris.
Je passe la journée a essayer de capter des signaux dans divers endroits du parc.
En vain.
De mon coté, c'est un échec.
J'espère que le cap' reviendra avec de bonnes nouvelles.
Je décide de rentrer sur le champ à Trégu.
F. 10 juillet 2014 - Good Transmissions
Entre les interventions de Pierre Coullet sur les plis et fronces de la lumière et les lumières de Jean-Marc Lévy-Leblond sur le ciel nocturne, je suis les spécialistes locaux du paysage qui me dévoilent les reliefs alentours... Le village s'ouvre à mes pieds et le monde à mes yeux.
Sachant Ed à l'affût, c'est toute la journée que j'émets des signaux simples, à faible énergie et longue portée sur la bande des 40 mètres (7mhz). Si le code Whisper (WSPR) en direction de Trégu est reçu, la communication avec le prototype pourra s'opérer à grande distance. Nous ne serons plus jamais perdus.
Je fais quelques tests d'écho sur le récepteur WebSdr de Turin. J'ai quelques bons résultats. L'antenne en émission est correctement accordée, j'entends d'ici Ed trépigner de joie à l'écoute du chuchottement radio.
F. - 9 juillet 2014 - Good Vibrations
L'attente me parait bien longue sous ce soleil de plomb.
Mais au bout de quelques temps, je suis pris en stop par une certaine Pascale, femme d'affaire redoutable qui occupait au près de Steve Jobs un poste important dans la branche Mock d'Apple. Par le plus grand des hasards, elle se dirige vers Clans pour y donner une cool conference.
Partageant les mêmes vues sur l'innovation, nous abordons très vite la question du soutien que sa fondation pourrait apporter à notre projet. Ces gens là ne perdent pas de temps.
Les doutes sur ce détour par la Tinée s'estompent...
Le frugal repas clansois est une scène. Les participants au séminaire défendent chacun leur point de vue sur l'écoute, je tente pour ma part de convaincre l'assemblée de l'existence de notre trou. Dubitatifs, ils m'opposent arguments et contre-exemples que je m'emploie à détricotter. Electrisé par le manque d'oxygène, j'attaque ensuite une conférence de combat par la présentation de modèles physiques du réseau karstique :
F. - 9 juillet 2014 - Les copains d'abord
Débarquant au petit matin sur la côte d'azur, après une nuit passée à ruminer mes remontrances au destin, je retrouve bienheureusement de vieux amis chercheurs avec qui je passe quelques heures réconfortantes avant d'attaquer l'ascension de la vallée de la Tinée.
Laurent Barnavon me cueille à la gare et presque aussitôt me parle de la théorie des fluides de Viktor Schauberger, puis dans le même mouvement me présente un modèle origami de repli de l'espace-temps qui pourra sans doute aider la laboratoire à anticiper les probables circonvolutions du réseau. Nous avons à peine le temps de finir notre huitième jus carotte/gingembre que je dois repartir.
J'ai rendez-vous avec Jean des Figues, coutelier émérite de la bourgade de La Bocca et grand spécialiste des passages de coque à pression compensée.
Je m'entretiens avec lui quelques heures sur la possibilité d'un passe-coque intégrant le vibreur. Nous décidons de fabriquer aussitôt un prototype que je glisse dans mon sac avant de quitter ces irréductibles et follement inventifs comparses du sud.
Évoquant un dernier souvenir, Jean des Figues insiste pour me donner une antenne qui selon lui pourrait tout à fait maintenir une communication fiable entre le prototype et la surface à n'importe quelle distance.
J'accepte le présent puis parcours les quelques mètres qui me séparent de la départementale.
Je vais monter en stop.
F. - 8 juillet 2014 - Contre-temps
Les devoirs d'un capitaine sont multiples. Chercher ne suffit pas, il faut également s'acquitter d'autres tâches pour maintenir les conditions de la recherche. Que j'aimerais rester ici aux côtés de mon fidèle Ed à arpenter les fonds... Mon impatience n'a d'égale que mon regret à quitter Trégu. Mais il le faut.
Je suis invité à représenter le laboratoire dans une rencontre de spécialistes de l'écoute, l'atelier expérimental, à Clans, dans les Alpes maritimes. Ce séminaire "Good Vibrations" va me permettre de tester divers systèmes de communication et de présenter l'expédition à des investisseurs de la côte d'azur.
Je pars donc, la mort dans l'âme et avec un soupçon d'inquiétude à l'idée de laisser Ed encore une fois seul.
Je lui fais les dernières recommandations d'usage et quitte notre cher étang.
Je dois être demain dans le village isolé pour ma conférence.
Ed - 7 juillet 2014 - A la veille du grand combat
Notre activité frénétique use le matériel précocement.
Le capitaine entame une grande campagne de réparations avant la phase 2 de notre recherche : L'APPROCHE DU TROU KARSTIQUE.
Je le soutiens tant que possible en créant une ambiance musicale appropriée.
F. - 5 juillet 2014 - Plus aucun doute
Plus de moules! Plus de moules!
Il ne s'agit maintenant plus d'un mollusque isolé. Le fond de l'étang est pour ainsi dire couvert de ces bivalves étrangers. Ils s'y développent en colonies denses et organisées.
C'est certain, ces moules viennent d'ailleurs.
Ailleurs. Un ailleurs. Ce mot est de plus en plus synonyme pour nous de karstique.
Le trou existe, l'aven est là, pas loin.
Je fais part des perspectives qu'ouvrent ces découvertes à Ed qui, bien que d'humeur égale, me semble légèrement dubitatif. Nous organisons les prochains jours avec en tête la possibilité d'un trou.
Ed - 4 juillet 2014 - Consolidation de théorie par la moule
Nous avons trouvé un deuxième spécimen d'anodonte dans une zone proche de la première découverte.
Ce n'est pas assez pour valider totalement notre théorie de leur arrivée via un vortex karstique, mais c'est assez pour qu'un affluent vienne grossir la rivière de notre espoir.
Ed - 3 juillet 2014 - Récréation
L'explorateur souvent considéré comme un héros n'en reste pas moins un homme ordinaire.
Son organisme souffre, agressé par un environnement hostile.
Son esprit est mis à mal par l'isolement, le doute, l'excitation, le manque de sommeil ou d'oxygène.
Le capitaine est conscient de ces phénomènes et c'est pourquoi il organise régulièrement de ces petites séances récréatives qui nous redonnent du baume au coeur.
Où l'on découvrira d'ailleurs qu'il eût fait un corniste épatant.
F. - 2 juillet 2014 - Rester au fond
Happés par notre désir de connaissance, nous poussons parfois les plongées jusqu'à toucher nos limites et celles du véhicule, toujours plus profond. Mais quelle excitation! Le fond de l'étang devient de plus en plus homogène, surfaces rocheuses lisses, cailloux de fond plus épais. L'acidité de l'eau augmente légèrement, elle est chargée d'un peu plus de schiste, ce qui explique que nos lests de sels mettent plus de temps à dissoudre.
Ed - 1er juillet 2014 - Vie quotidienne
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Une journée de mieux à ausculter les fonds avec de fréquents retours à la base.
Hormis un léger malentendu à propos de l'avenir de notre découverte de la veille, rien de notable.
F. - 30 juin 2014 - Quand on a de la chance, on a...
Le prototype résiste mieux à la pression et, bonne surprise, le résonateur ne génère pas trop de bruit de fond. Eddy est vraiment incroyable.
Méthodiquement, à la faveur de plongées précises, nous quadrillons l'étang, abordant maintenant la zone la plus profonde (nous atteignons presque les 6 mètres aujourd'hui!).
A notre grande surprise, nous découvrons une forme de vie inattendue se développant sur une surface de moins en moins boueuse, composée principalement de petits rochers isolés, de cailloux de fond et de gravillons.
Cette Anodonte de taille impressionante ne devrait pas se trouver là.
Nous envisageons deux hypothèses :
1) Une contamination accidentelle par des appâts venant d'autres zones géographiques.
2) La migration de l'animal par un canal reliant l'étang à la Nièvre.
Cette supposition nous réjouit, serait-ce le signe de l'existence de l'aven karstique?
Bouillant d'excitation mais restant mesurés, nous poursuivons les recherches.
Cet étang n'a certainement pas fini de révéler ses secrets.
Ed - 28-29 juin 2014 - Par delà Trégu
J'ai fabriqué le résonateur du capitaine et nous l'avons installé sur le véhicule.
Ce dispositif semble avoir donné vie et cohésion à l'ensemble.
Nous quadrillons l'étang en faisant des plongées régulières tels des Jonas dans leur baleine vibratoire, nous faisons corps avec la machine; aventuriers fiers et résolus en quête de notre Graal aquatique.
Cependant, la météo se gâte progressivement sur l'étang et nous sommes obligés d'attendre quelques accalmies pour repartir.
Quelle frustration, mais quelle excitation!
Nous sentons tous deux que nous progressons dans notre tâche et que quelque part sous notre véhicule se cache l'entrée d'un gouffre qui est la porte d'un nouvel espoir.
F. - 27 juin 2014 - Du Coeur à l'Ouvrage.
C'est oublié. "Voguant sur le navire de leurs faiblesses, les hommes n'ont de limites que l'horizon".
C'est avec ces mots de Lionel de Lanceville en tête que j'expose à Ed le principe du maintien de cohérence par tension vibratoire. J'y reviendrai d'ici peu dans la section R&D de ce site...
Les yeux de mon mécano brillent d'une excitation rare. Le revoilà!
Avec une énergie nouvelle, nous nous plongeons dans le travail et rattrapons les quelques jours de pause en colmatant la déchirure survenue jeudi dernier. La coque a bien séché, la stratification se passe sans problème.
Ed se lance ensuite dans la conception du vibreur de paroi et nous envisageons les prochains jours avec un programme de plongées plus dense. Quatre à Cinq plongées par jour nous permettront de localiser l'aven dans la semaine, j'en suis convaincu.
F. - 26 juin 2014
Les événements d'hier distillent un goût amer.
Je n'ai pas encore fait part de ma découverte à Ed. Il m'évite savamment, en contournant systématiquement l'étang, ce qui l'occupe pas mal.
Une mise au point ne saurait tarder, il est hors de question que cette mission bute sur une équation à une seule inconnue. Inconnue qui, au passage, a fuit le camp sans demander son reste.
Je tente d'adopter une posture plus relative, afin de garder ce précieux technicien sous la main. Il serait idiot de le braquer.
Ed - 26 juin 2014
Quelle honte et quelle gueule de bois.
Je n'ose m'approcher du capitaine qui est vraiment furax, et à juste titre.
Je n'ai absolument aucun souvenir de ces 5 derniers jours, si ce n'est l'image furtive et grotesque de mon reflet dans l'étang alors que j'étais déguisé en Elfe des bois.
Du moins la partie supérieure de mon corps.
Cela faisait pourtant longtemps que mes démons n'avaient pas refait surface.
Le capitaine qui est un être de raison pure ne saurait comprendre ces crises de démence.
Qu'importe, malgré son air courroucé, je devine que son voyage à Cherbourg a été une réussite et qu'il bout d'impatience de me dévoiler ses découvertes.
F. - 25 juin 2014 - Je tombe de haut
Après 6 jours physiquement intenses, je retrouve enfin Trégu et nos expériences.
Étrangement, rien ne semble avoir bougé depuis mon départ et, en plein après-midi, personne ne s'affaire auprès du prototype...
C'est en contournant un bosquet, un peu à l'écart, que je comprends l'entêtant silence de mon compagnon.
Eddy, manifestement ivre, gît dans notre tente quechua en compagnie d'une inconnue. Non que je sois particulièrement prude, mais ce comportement me laisse sans voix.
Manifestement, la branche communication a fonctionné à plein, mais dans un sens qui m'échappe.
Je tourne les talons et reprends, en même temps que mon souffle, quelque inutile activité sur les ruines de la base et de notre collaboration.
F. - du 21 au 25 juin 2014 - Un aller-retour nécessaire et fructueux
F. - 22 juin 2014 - Ça y est, j'ai compris
Avec presque 300 kilomètres dans les jambes, j'arrive en fin d'après-midi à la Cité de la Mer, juste avant la fermeture.
Même si le Nautilus de Fulton est lui aussi un engin en bois, c'est le Globule, engin à l'échelle de notre base, conçu pour deux personnes, qui m'ouvre les yeux.
C'est pourtant évident, comment n'y ai-je pas pensé avant?
Pour maintenir la cohérence des parois, qu'elles soient de métal, de résine ou de bois, l'épaisseur n'y fait rien, il est simplement nécessaire de faire entrer en résonance mécanique les parois. C'est la vibration constante et à l'unisson des surfaces qui permet la diffusion des forces et la cohésion de l'ensemble.
Je reprends la route aussitôt après avoir griffoné le schéma d'un vibreur de paroi qu'Ed ne mettra que quelques jours à construire, j'en suis sûr. J'aurais bien aimé lui annoncer la nouvelle par téléphone, mais depuis mon départ, mes messages téléphoniques restent sans réponse... C'est intrigant, espérons que tout se passe bien pour Ed à Trégu.
F. - 21 juin 2014 - L'information manquante
Départ de Trégu, direction la Cité de la Mer, Cherbourg, une collection inédite de bathyscaphes et engins sous-marins disponibles physiquement. Mieux que toutes les documentations que nous avons pu rassembler, je devrais trouver là-bas les détails techniques qui nous ont échappé lors de la conception de la structure de la base. Lors du choc, la paroi ne s'est pas simplement fissurée, mais bel et bien déchirée. Nous sommes passés sans le savoir à deux doigts de la catastrophe...
Ed - 20 juin 2014 - L'étendue des dégats
La poussée d'adrénaline qui a suivi le choc d'hier a certainement dû nous voiler quelques peu la vue et l'esprit.
Les dégâts sont bien plus importants que supposés, ce qui va obliger le capitaine à repartir pour une durée indéterminée.
Je vais rester seul ici pour garder la base et le prototype.
Ed - 19 juin 2014 - Avaries bis repetita
En exploration, ne redoutez pas l'ennui.
F. - 18 juin 2014 - Faisons le point
Desormais à l'abri des pirates informatiques, nous reprenons notre liberté au sein du prototype flottant en surface.
Quelques éclaircissements sur les objectifs des prochains jours et surtout ne pas oublier notre mission première: Identifier l'entrée du réseau karstique.
F. - 17 juin 2014 - Piraterie, mais pas de Bretagne
Manifestement, l'attaque que les sites du Laboratoire des Hypothèses ont subi ne tenait en rien du jeu auquel se prêterait quelque adolescent désœuvré.
Il s'est agit d'une attaque massive de notre code source, allant jusqu'à fouiller parmi les données les plus protégées de nos bases de données...
Après quelques heures passées sur les bords de l'étang, rivé à mon écran, à scruter les profondeurs du réseau, employant la technique du Pinger ayant déjà fait ses preuves dans le Lac Léman, j'identifie enfin l'origine de l'attaque : 92.124.16.210.
L'adresse IP est localisée : Usolsky District, Oblast d'Irkoutsk, Russie.
Latitude : 52°17′52″ Nord
Longitude : 104°17′47″ Est
Altitude : 426 m
Irkoutsk, tiens donc, les soviétiques tentent donc de percer nos secrets, sans nul doute pour se lancer dans l'exploration du Baïkal...
Fort heureusement, aucune de nos découvertes n'était encore publiée.
Il faudra désormais se montrer un peu plus prudents... Je décide de modifier tous les mots de passes et je vérouille les scripts.
Fin de l'incident. Je rejoins Ed qui trompe son angoisse à coup d'esches végétales.
Ed - 17 juin 2014 - Hacking, not of Britain
"Nous avons été hacké par des pirates!"
Je sais que c'est grave, le capitaine est un homme mesuré et c'est rarement qu'il s'exprime sur ce ton inquiet.
Je me saisis de notre vieille rame en bois qui a déjà su faire entendre raison à quelques malveillants et me prépare à l'assaut.
S'en suit un monologue assez laborieux du capitaine sur les techniques de piratage informatique à la fin duquel je regarde ma rame avec tristesse.
Apparemment, notre site, le portail de nos recherches, a subi l'assaut de brigands sibériens.
Je décide de repartir à la pêche.
Ed - 16 juin 2014 - Un peu de détente, au bord
Nous plongeons désormais plusieurs fois par jour, même si les véritables recherches n'ont pas commencé.
Notre véhicule bâti hâtivement a besoin d'être testé et modifié in-situ avant d'entamer la série de plongées exploratrices.
Ces journées frénétiques contrastent agréablement avec nos soirées au bord de l'étang.
Même si le capitaine et moi sommes des hommes d'action, nous aimons aussi ces douces soirées de contemplation tendrement troublées par le vent de sud-ouest et le chant des Rana dalmatina, petites grenouilles de Brocéliande au beau récital.
F. - 15 juin 2014 - Un peu de détente, au fond
Dans l'attente de la dissolution des lests de sel, nous tuons le temps à 2 mètres de profondeur en mesurant nos esprits. La raréfaction de l'oxygène n'entame en rien ma lucidité.
1. d4 Nf6 2. c4 g6 3. Nc3 d5 4. cd5 Nd5 5. e4 Nc3 6. bc3 Bg7 7. Bc4 c5 8. Ne2 Nc6 9. Be3 O-O 10. O-O Qc7 11. Rb1 Rd8 12. Bf4 Be5 13. Be5 Ne5 14. Bb3 Ng4 15. Ng3 Qf4 16. h3 Nf6 17. e5 Nd5 18. Ne2 Qe4 19. Ng3 Qf4 20. dc5 Be6 21. Qd4 b6 22. Ne2 Qf5 23. cb6 Nb6 24. Qf4 Rac8 25. Qf5 Bf5 26. Rbd1 Bd3 27. Rfe1 a5 28. Nf4 Bc4 29. Rd7 Re8 30. Rd6 Red8 31. Rd8 Rd8 32. Re4 Bb3 33. ab3 Rd1 34. Kh2 Rb1 35. c4 Rb3 36. c5 Nd7 37. c6 Nb6 38. Rd4 Rc3 39. Nd5 Nd5 40. Rd5 Rc6 41. Ra5 Rc4 42. Kg3 e6 43. f4 h6 44. Kf3 Rc3 45. Kf2 g5 46. fg5 hg5 47. Ra4 Kg7 48. Rg4 Kh6 49. g3 Kh5 50. Ra4 Kg6 51. Ra5 Rd3 52. h4 gh4 53. gh4 Rd7 54. Ke3 Rb7 55. Kf4 Rb4 56. Kg3 Kf5 57. Ra7 Rg4 58. Kf3 Rg7 59. Ra5 Rg1 60. Rb5 Ra1 61. Rc5 Ra3 62. Kf2 Ke4 63. h5 Ra8 64. Kg3 Kf5 65. Kh4 Ra4 66. Kg3 Rg4 67. Kf3 Rf4 68. Kg3 Kg5 69. h6 Rg4 70. Kf3 Rh4 71. Rc7 Kg6 72. Rc8 Rh6 73. Kg4 Rh1 74. Rg8 Kh7 75. Ra8 Rf1 76. Ra2 Kg6 77. Rg2 Rf5 78. Re2 Kg7 79. Kg3 Kf8 80. Re4 Ke7 81. Kg4 Kd7 82. Rd4 Kc6 83. Rd6 Kc7 84. Rd1 Re5 85. Rf1 f5 86. Kg5 Kd6 87. Kf6 Re4 88. Rd1 Kc5 89. Rd8 f4 90. Kg5 e5 91. Kg4 Re3 92. Rd1 Kc4 93. Rd2 f3 94. Kg3 e4 95. Kf2 Rd3 96. Ra2 Kd4 97. Ra4 Ke5 98. Kg3 Rd2 99. Ra5 Kd4 100. Ra4 Ke3 101. Ra3 Ke2 102. Kf4 f2.
Le coup du silure dormant, à la Magnus Carlsen.
Ed est battu à plat de couture.
F. - 13 juin 2014 - Problème de Périscope
Le périscope vidéo a subi la pression de la première plongée. L'alignement de la caméra est faussé et ne nous montre plus qu'une image de l'écoutille...
Ed ajuste les vis de réglage alors que je maintiens la base non loin de la surface.
F. - 12 juin 2014 - Première Plongée dans l'Étang
Voici le moment tant attendu de la plongée. Nous nous lançons enfin vers les profondeurs de Trégu.
Après l'installation par Ed des sacs de chlorure de magnésium qui constituent notre lest, la base s'enfonce, nous laissant tout juste le temps de vérouiller l'écoutille.
F. - 9-11 juin 2014 - Bricolage et Améliorations
La structure de la base nécessite quelques ajustements afin de préparer la première plongée prévue cette semaine. La flottaison est maintenant parfaitement assurée, à tel point que nous profitons de la tranquilité de l'étang pour nous restaurer.
Ed - 8 juin 2014 - Test de flottabilité réussi!
Le cap et moi avons revu les fixations et les étanchéités, pendant l'après-midi d'hier et une bonne partie de la nuit.
La mise à l'eau se passe en douceur, nous passons la journée à apprivoiser notre embarcation qui tient beaucoup du mustang amérindien.
Ed - 7 juin 2014 - Rencontre avec Etangs d'Art et première mise à l'eau
Nous travaillons sur le prototype quand nous sommes abordés par de sympathiques curieux.
C'est le public d'Etangs d'Art qui vient voir les œuvres installées sur l'étang.
Rapidement, Fabrice explique nos recherches à nos visiteurs qui comprennent mi-ravis, mi-horrifiés que nous allons arpenter l'étang à bord du prototype.
Nous aurions bien passé l'après-midi avec eux, mais nous devons tenter absolument une mise à l'eau aujourd'hui.
Dès qu'ils sont partis, nous préparons le sous-marin pour une mise à l'eau officielle.
C'est une catastrophe, le fond mal fixé s'arrache et tout notre matériel dérive à la surface.
Nous restons médusés devant le spectacle, le fardeau de notre amateurisme nous clouant, sans doute, sur place.
Qu'importe, nous ressortons tout pour que cela sèche au soleil et préparons un nouveau lancement pour demain.
Ed - 6 juin 2014 - Arrivée du capitaine
Le capitaine pète une forme pas croyable.
Nous nous mettons à l'oeuvre immédiatement pour préparer la mise à l'eau dès ce soir.
La préparation de mai porte ses fruits, nous sommes près au crépuscule.
Mais, la menace vient des cieux.
De lourds cumulus s'accumulent au dessus de l'étang et vingt minutes plus tard, c'est la tempête.
Nous sourions malgré tout car ce mauvais temps est récurrent dans nos projets et semble nous porter chance.
Nous évacuons le campement et allons nous réfugier chez Marie-Pierre et Patrick, des amis et collaborateurs de chez qui nous contemplons le déluge.